samedi 23 mai 2009

Benoît Blanchard maîtrise son marathon

Voici ce que j'ai reçu dans ma boîte de courriels et je vous le recopie avec la courbe de fréquence cardiaque. Nous avions vu quelques jours avant à Noyal-Pontivy que c'est bien à la FC 167 que se situait sa FC marathon alors qu'il ne l'avait pas travaillée ces dernières semaines.

19 octobre 2008 : Marathon d’Amsterdam, je suis super bien, je ne prends pas garde à ma FC qui me demande de ne pas m’enflammer dès le 18-19ème kilomètre, je prends la plus grosse calotte de ma vie lors des 6 derniers kilomètres. Je mettrai notamment 25 minutes ( !!! ) entre le panneau 40 km et l’arrivée, résultat : 3h08.
22 mars 2009 : Marathon de Rome, je sens que je ne suis pas bien. Je suis fatigué, une fatigue générale. Je ne sais pas à quoi c’est dû, mais avant la course, je sais que c’est mort. J’essaierai quand même, mais je basculerai en mode footing actif aux abords du 27ème kilomètre. 1h24 au semi, 2h56 à l’arrivée. Et pourtant, j’ai réussi 3 semaines auparavant une course de préparation bien au-delà de mes espérances : 1h54’ sur 30 km en ayant l’impression de me balader.
C’étaient là mes 5ème et 6ème marathons, et comme à chaque fois, j’ai dû considérablement ralentir l’allure sur la deuxième partie de la course. Bon sang ! Je ne sais pas courir le marathon… Je rêve de courir un marathon en maîtrisant ma course de bout en bout. Je ne vise pas forcément le negative split, mais un deuxième semi « présentable »… Le marathon, pour l’instant, se refuse à moi. Je ne suis jamais sorti d’une telle course satisfait, même quand j’abaissais mon record. Je conviens donc avec Charlie de courir le marathon du Mont Saint Michel non pas comme meneur d’allure pour mon frère et son pote, comme c’était prévu initialement, mais en performance. Evidemment, il n’y aura pas de miracle : j’ai coupé 2 semaines complètes après Rome, et il y a moins de deux mois entre les deux épreuves… Mais je veux montrer enfin que je sais courir un marathon, le temps est secondaire, les sensations sont essentielles.
Point de préparation traditionnelle dans mon cas particulier, je n’en ai pas le temps. Un entretien général légèrement teinté d’allure marathon dirons-nous pour vite résumer. Là n’est pas l’important. Les séances d’allure marathon me montreront que pour tourner en 4’/km, je suis à 167-168 pulses, quand je tournais en 3’55’’/km à 163 pulses 3 mois auparavant.
Le 17 mai arrive, je suis à l’écoute de mes sensations, tout est OK. Pas de fatigue telle que j’ai pu la ressentir avant Rome, les voyants sont au vert. Je ne sais pas comment je vais gérer ma course, j’ai pris un peu de confiance avec les dernières sorties de rappel d’allure, on verra bien. Je prends place dans le sas avec mon frère et son pote (ils ont couru avec moi l’an dernier sur cette même course en 3h27’, ils tentent 3 heures…). Christian Delerue me voit (je suis près du grillage) et me donne les dernières recommandations, notamment sur la façon dont le vent imprévisible risque de perturber la FC. J’écoute, et j’attends patiemment le départ. Comme à chaque fois, le départ d’un marathon est un grand moment pour moi. J’ai toujours énormément d’émotion dans les 30 secondes qui précèdent le coup de feu. Enfin, celui-ci éclate, et c’est parti. Je dois me frayer un chemin parmi les coureurs qui tiennent absolument à se mettre juste derrière les élites alors qu’ils partent pour faire 4 heures ou plus… Enfin, c’est comme ça. Le premier kilo suffira pour fluidifier tout ça.
Je rentre progressivement dans la course, et une bonne nouvelle, je suis suffisamment bien pour être littéralement stupéfait par la vue du premier ravitaillement : on a déjà fait 5 km !!! Je passe en 19’55’’, mais le profil du départ est largement descendant. Un kilomètre plus loin, j’atterris : le 6ème km est parcouru sur du plat, en 4’01’’ et avec des pulses déjà montées à 169… Bon, on va gérer. Je décide à ce moment là d’oublier le chrono et de gérer à tout prix la FC. Je suis dans un petit groupe, nous sommes 5 ou 6, mais comme d’habitude, je ne supporte pas d’être derrière. C’est donc moi qui mène l’allure dans ce groupe. Un coureur me dit qu’il vise 2h50’, et qu’on est un peu trop rapides… Mon cardio s’est stabilisé dans la zone 167-168 (la zone travaillée lors des séances d’allure marathon), donc je file sans me poser de question. Nous sommes très réguliers, les kms s’effectuent entre 4’01’’ et 4’04’’. Passage au 10ème en 40’15’’. Je n’ai pas cette sensation de balade que j’ai déjà eue lors de plusieurs marathons. A Paris en 2007 et à Amsterdam en 2008, je suis passé au semi avec une monstrueuse impression de facilité. Aujourd’hui, je suis plus lent, et je suis déjà « en prise ». Je suis bien, mais je ne me promène pas. On commence à rattraper des gars partis plus vite que nous. Je garde en permanence l’œil sur le cardio pour éviter les bêtises. Le vent vient de la droite, et nous est légèrement défavorable. Difficile de trouver un abri, j’essaie vaguement, et finalement j’abandonne. Je reprends la tête du groupe. On passe au 15ème en 1h00’25’’. La dérive de la FC commence, je passe progressivement à 169. Je rattrape un coureur au maillot bleu qui m’a l’air extrêmement bien. Je ne le sais pas encore, mais nous allons partager tout le reste de la course. On s’approche de Cherrueix, je sais que j’ai un fan club là-bas, ça me donne des ailes. Quand on y arrive effectivement, c’est de la folie. J’aperçois les miens dans la foule, mais l’ambiance est énorme ! J’ai eu de la chance de les voir. Comme à chaque fois dans pareil cas, je m’enflamme. Ces encouragements, cette foule qui nous pousse… J’accélère sans m’en rendre compte et je souris aujourd’hui en regardant la courbe de mon cardio : il y a une bosse qui correspond à ce moment : je monte à 172, mais je m’en rends compte, et je reviens à plus de raison rapidement. Une conséquence à cet épisode tout de même : mon petit groupe n’est plus avec moi. Il ne reste plus que le coureur au maillot bleu. Je lui fais part de cette montée de FC temporaire due à un enthousiasme passager. Il me sourit et me répond que la course est encore longue et qu’il faut en garder pour la suite. Nous passons ensemble le semi en 1h25’05’’ à mon chrono, je suis maintenant à 170 au cardio. Je m’inquiète un peu, j’ai l’impression d’être sur le fil du rasoir, mais je continue. Nous continuons d’enfiler les kilomètres entre 4’03’’ et 4’05’’ (légère dégradation, mais je ne regarde que le cardio) et nous rattrapons de plus en plus de monde. Nous avançons comme un seul homme, on ne se parle que très peu, mais c’est tellement mieux de courir avec quelqu’un plutôt que d’avancer seul ! Je sais que mon compagnon de course est bien, et je suis quasi certain de me faire déposer en fin de course, j’espère seulement que cela aura lieu le plus tard possible.
La course se durcit, le cardio dérive de plus en plus, 25ème km en 1h40’54’’. 3 km plus tard, je commence à voir s’afficher par intermittence 174 sur mon cardio… Je déclare alors le début des vraies hostilités. La vraie course débute. J’atteins le 30ème en 2h01’14’’, et là, je me dis que je ne suis jamais passé à cette marque avec autant de lucidité. Je connais bien les signes avant coureurs du mur (je suis même un spécialiste en la matière, je pourrais probablement soutenir une thèse en murologie un de ces jours), et après un rapide examen de la situation, je ne détecte rien de cet ordre. Je commence à me dire que ça va le faire, et que je vais aller en bout sans casse. Evidemment c’est dur, et ça le devient de plus en plus, je suis tiraillé entre l’envie de maintenir l’allure, et le souci de ne pas trop faire déraper la FC. On a dit la FC avant tout, je n’insiste pas trop pour le moment. Je sais que les potes de la JA Melesse sont au 35ème, et cet objectif va me porter alors que le vent nous joue parfois quelques tours dans les polders…
La JA Melesse, ce maillot rouge et blanc, parlons-en justement ! A partir de la mi-course, c'est-à-dire quand les positions commencent à être établies, quand les pelotons s’étirent et que les coureurs passent un à un et non plus en grappes comme en début de course, j’ai été poursuivi par une rumeur provenant du bord de la route : « Encore Melesse ! Ils ont une belle équipe ! ». Et quelques encouragements de plus recueillis grâce à la performance homogène des équipiers qui caracolent entre 15 et 20 minutes devant moi. Merci les gars !
J’atteins donc le 35ème, en 2h21’51’’, gonflé à bloc, je sais qu’un nouveau fan club est à proximité. Le coureur qui m’accompagne désormais depuis un bon bout de chemin l’ignore, évidemment, et il doit lâcher quelques mètres, mon enthousiasme me faisant avancer soudain un peu plus vite. J’aperçois Françoise, Henri sur le bord de la route, pas avares d’encouragements. 1ère salve. Je boucle le 36ème sans avoir vu Charlie… Où est-il ? Finalement, juste après un virage à droite, je reconnais les visages de Thierry, Bruno et Charlie. Je m’enflamme un peu, je lève les bras, je sais que la course n’est pas terminée, que je vais devoir souffrir encore un peu, mais l’essentiel est d’ores et déjà acquis. Je suis heureux et je leur fait savoir. J’ai cru entendre derrière moi à ce moment : « il a encore une belle foulée »… Il n’en faut pas plus pour me remplir de fierté et me donner encore un peu plus d’allant. 2ème salve donc, immédiatement suivie du 3ème effet JA Melesse : Francki et sa famille sont là un peu plus loin, et m’aident à franchir ce passage difficile car complètement face au vent pendant quelques centaines de mètres. Merci à tous !
Je le vois bien ce pont là-bas au bout, mais Dieu qu’il sera difficile à atteindre… C’est là un des moments forts de ce parcours : le virage à gauche du pont de Beauvoir, le public est à fond derrière les coureurs, d’autant plus que c’est à ce moment que je rejoins puis dépasse Muriel Brionne, deuxième féminine de la course. Encore de superbes instants vécus à cet endroit. Maintenant, il s’agit juste de débrancher le cerveau, de se laisser porter par le vent enfin favorable, et de rejoindre le Mont. C’est facile, c’est droit devant. Il reste 4 kilomètres, et avec le recul, je crois que je me suis trop relâché à partir de ce moment. Volontairement, j’ai choisi de ne pas regarder le chrono, et il me semble que si j’avais pris conscience à ce moment que le record était jouable, j’avais peut-être les moyens d’aller le chercher. Tant pis, j’avais trouvé ce que j’étais venu chercher ici : la réconciliation avec le marathon. J’ai l’impression de mettre une éternité pour rejoindre l’arche située juste après le 40ème kilomètre (2h42’55’’, c’est bien entre le 35ème et le 40ème que je lâche les précieuses secondes qui me coûtent mon record… Mais cela n’est qu’anecdotique). Ensuite, j’aperçois un maillot de la Garnison devant moi. Je le juge dans un premier temps trop loin de moi, puis je me rends compte que je le rattrape assez vite, et qu’il y a peut-être moyen d’aller le chercher… Je me décide enfin à tout lâcher, et je grappille quelques places dans un sprint témoignant du fait que j’aurais pu accélérer plus tôt. Je termine 84ème, après être passé 125ème au semi, enfin une belle gestion de course ! Je franchis la ligne en 2h52’07’’ temps officiel, probablement juste sous les 2h52’ en temps réel, cela n’a aucune importance. Je récupère ma médaille, j’avance vers la passerelle étonnamment frais, je marche sans difficulté, je traverse rapidement la tente de ravitaillement, je récupère mes affaires et je remonte direction la ligne d’arrivée… En effet, je vous rappelle que mon frère et son pote, après avoir couru leur premier marathon (et leur première course tout court) un an auparavant au même endroit en 3h27’, s’étaient fixés pour objectif de passer sous les 3 heures. Rien que ça… Eh bien je n’ai pas été assez rapide, j’ai manqué leur arrivée. 2h58’, ensemble du début à la fin, en passant en 1h29’02’’ au semi. Je les vois, et je m’incline bien bas devant eux, chapeau les gars. Continuez le foot et le ping-pong, ça vous réussit !
L’histoire aurait pu être terminée, mais il faut que je vous raconte encore un truc… Mercredi soir, je rentre du boulot, mon portable sonne. Un numéro que je ne connais pas. Le type me dit : « mon nom ne va rien vous dire, mais je vais vous expliquer ». Ah bon. « Je suis Christophe Leroy ». Effectivement, ce nom ne me dit rien. « On a couru 25 kilomètres ensemble dimanche dernier ! ». Ah bon ? Impossible de se tromper, c’est le fameux maillot bleu. Il confirme et ajoute : « je tenais à vous remercier infiniment, grâce à vous, j’ai battu mon record de 4 minutes ! ». Génial ! J’ai adoré cette démarche ! Et pourtant nous avons échangé 20 mots tout au plus pendant la course, mais nous avons partagé bien plus que ça, sans avoir besoin de parler. Je lui ai dit que les remerciements étaient réciproques, car lui aussi m’a bien aidé. Nous sommes restés proches l’un de l’autre jusqu’au bout, en effet, il s’est fait légèrement distancer de façon temporaire, il a ensuite recollé, mais je ne m’en suis pas rendu compte. Et pourtant j’avais bien vu à la lecture des résultats que le type qui était passé avec moi au semi n’avait terminé que 5 secondes derrière moi, et j’avais alors regretté de ne pas lui avoir tapé dans la main pour conclure ce périple commun. Il m’a expliqué avoir récupéré mon numéro de téléphone en cherchant un contact à la JA Melesse (qu’il se dénonce ;-)), mais après avoir prouvé son identité en fournissant divers détails sur les résultats de la course. Décidément, je ne garderai que de bons souvenirs de cette journée mémorable… Qu’est-ce que ce sera quand je battrai de nouveau mon record ?!

7 commentaires:

patrick35 a dit…

superbe, encore un CR qui donne des frissons...et bravo

Momo a dit…

Tu es trop fort Benoit, moi aussi j'ai bien besoin de me réconcilier avec le marathon..... je devrais dire avec la compétition même !!!

Je n'ai pas pu être présent mais je pensais à vous tous là bas.

Bonne récup et à très bientôt

Unknown a dit…

Bravo Benoit !

Ton poing levé au passage du 36ème km est pour moi une des quelques images très fortes de ce marathon.
Je savais ce qu'il signifiait sur le moment, mais à le lire, encore une fois ça me remue les tripes.
C'est toute la beauté du marathon, le mythe enfin approché.

Il sera bientôt dompté avec un record en plus à la clé. Maintenant, tu vas pouvoir bâtir sur cette réussite. La préparation est capitale mais elle n'est rien sans le mental. Tu as maintenant une belle réserve de confiance, je sais que tu vas la faire fructifier à l'avenir.
J'espère suivre ton exemple après avoir pris une belle gamelle à Cheverny.

Le compte-rendu est comme toujours vivant, il parle aux marathoniens comme aux profanes. Je soupçonne que ton frère est venu au marathon en te lisant.

Profite de ton plaisir. Il est mérité !

cedric a dit…

super benoit,
tu as vraiment fait un tres beau marathon
tres belle image de te voir le poing leve avec un granr sourir
je suis sur que pour le prochain marathon ,le chrono va tomber
merci pour ce recit ou tu explique bien ta gestion de la course
bye

Sadok a dit…

Quelle belle aventure sportive et humaine que tu as vécue et que tu as su nous faire partager !

Comme chacun sait, le marathon est un Everest qu’il faut savoir aborder à chaque fois avec humilité et philosophie.

Les chronos peuvent être améliorés pour peu que l’on respecte ces règles que tu sembles avoir parfaitement acquises.

Le chrono que tu as réalisé, tout juste après le marathon de Rome, avec une prépa bricolée et une bonne gestion de l’effort sont de bon augure.

Chaque chose viendra naturellement en son temps.

Merci pour ton CR et chapeau bas.

Oliv a dit…

Très heureux pour toi Benoît, tu nous livres un bien beau récit à la hauteur de ton excellente gestion de course.

Benoît a dit…

Merci à tous pour vos commentaires, vos remarques sympathiques me touchent d'autant plus qu'elles viennent de connaisseurs.
Il est désormais temps de se tourner vers de nouveaux objectifs, fort de cette nouvelle expérience. A bientôt donc !