lundi 3 octobre 2011

Ego

Citation d' André Comte-Sponville :

« Tout Ego est frustré, toujours. Quand il n'y a plus de frustration, il n'y a plus d'Ego »


Cette citation m'a éclairé et aidé à analyser mes résultats récents sur des projets importants, certains m'ont donné une grande satisfaction, d'autres des frustrations, des désillusions et dans certains cas, je n'ai pas réellement eu de déception mais seulement de la surprise et c'est tant mieux. Clin d'oeil à kung fu panda: « demain est un mystère, aujourd'hui est un cadeau c'est pourquoi on l'appelle présent ». L'entraînement n'apporte pas de certitude, heureusement une course bien préparée ou non apporte des surprises.


A chaque fois pour mes projets, il a été question d'oeuvre collective impliquant des dizaines voire des centaines de personnes et quand il s'agissait de performance sportive, cela a été une connivence entraîneur-athlète.


Quand on m'a jugé sur mes décisions sur mes positions sur la conduite d'un très très grand projet où j'ai donné énormément pendant un an, j'ai sans doute souffert de non-reconnaissance mais avec du recul, c'est bien mon Ego qui n'a pas supporté la critique surtout qu' elle était négative. Si j'étais resté sur ma conviction initiale que ce qui compte c'est donner qui me rend heureux, j'aurais sans doute retenu que tous ceux qui ont reçu le cadeau étaient heureux et reconnaissants, comme c'est ma personne qui s'est sentie attaquée par toutes les imperfections, mon Ego était frustré.


Depuis la fin de ce gros chantier, ce grand projet, la vie que j'aime est revenue au premier plan. Cet été j'ai renoué avec l'envie de courir pour moi, pour mon plaisir, mon équilibre sans référence aux autres sans vouloir être devant ou derrière, juste courir dès le lever et écouter sentir la nature et respirer profondément pour en quelque sorte méditer. Dans la journée, ma vie ressemble à de nombreuses autres, mais le midi j'ai la chance souvent d'aller au stade, je cours pendant l'échauffement des athlètes et bavarde avec mes amis entraîneurs pour savoir qui fait quoi. Souvent je me laisse encadrer par un autre entraîneur et c'est bien reposant et agréable d'entendre les consignes, comme « grandis toi, regarde loin, relâche tes épaules, griffe ... » Quelquefois, je regarde des athlètes à qui j'ai donné une séance précise et éventuellement je donne des conseils ou bien encourage. Il y a tous les niveaux sur le stade et dans mon club. Des mauvaises langues font croire que seuls les champions peuvent prendre une licence chez nous. C'est complètement stupide, pour preuve, moi-même avant d'en devenir dirigeant, j'ai bien intégré ce groupe de passionnés de course à pied, mes chronos étaient modestes, ils se sont améliorés et ils resteront à jamais modestes. En tant qu'entraîneur, mon Ego a pu mettre en avant mon expertise et plus j'entraîne plus j'ai des résultats et plus je sais que je ne suis que pour très peu de chose dans la performance. Pourrais-je prétentieusement faire une analogie avec les « accoucheurs », c'est à dire affirmer que les coureurs ont en eux même la connaissance et que je ne suis là que pour les aider à accoucher ? La vérité est celle qui vous va bien et je vous laisse heureusement votre libre-arbitre.


Maintenant, il est temps de replacer l' Ego à sa place … Ailleurs.


Prenons les derniers échanges que j'ai eus. Dimanche 25 septembre, les deux garçons qui couraient au marathon de Berlin m'ont envoyé leurs résultats. Christophe et Jérôme ont chacun battu leur record personnel. Et j'ai eu droit aux : « bravo au coach charlie! ». A Berlin les conditions étaient bonnes et le record du monde a été battu par Pascal Makau en 2h03'38 .


Ce qu'il faut en retenir comme souvent dans le succès des coureurs, c'est que les conditions étaient toutes favorables, bonne préparation, bonne forme de l'athlète, bonne diététique les jours précédents, bonne gestion de course, bonne météo, pas de vent, pas trop chaud et bon mental.


Un des ingrédients n'est pas au rdv et cela ne fonctionne pas. Par exemple, il n'y a pas de confiance dans la gestion, les conseils, les réajustements du coach et cela suffit pour instiller un petit poison dans la tête du marathonien alors là oui, nous trouvons un responsable (le doute).


Nous avons fait un bilan oral avec Christophe, chrono de 2h52 en dinant ensemble et avec Jérôme en 2h49'16 (12 secondes gagnées) par téléphone puisque nous sommes dans un cas proche et dans l'autre élogné de milliers de kilomètres. Un jour il me faudra retourner chez Jérôme car Vienne est une ville que j'aime !

Nous savons que tout n'a pas été parfait et que dans les deux cas, nous pensions faire un meilleur chrono. Le marathon est une épreuve terrible car il suffit d'un moment où on se trompe d'allure et des dizaines de secondes s'envolent. C'est le cas, quand un marathonien ralentit sans s'en apercevoir en s'installant dans un confort comme dans l'autre sens quand il se sent fort et accélère et hypothèque la fin de course.


Ce dimanche 2 octobre, Alain a fait son deuxième marathon de l'année, après des conditions dures (chaleur et vent) au Mont St Michel il n'a pas eu de chance et il a eu droit à l'été indien à Lyon. Le vainqueur Rachid Ghammouni à lyon finit en 2h23'12 alors qu'il a fait 2h12'49 à Nice-Cannes en 2010. Alain s'est entraîné dur aussi, il avait l'air très bien et je le voyais approcher les 3h05. La météo n'était pas favorable ce dimanche, les organisateurs n'ont pas mis la climatisation Alain a fait 20 minutes de plus que ce que j'avais parié!

Pour se mentir un entraîneur pourrait dire, dans un cas c'est grâce à moi, dans l'autre c'est à cause de la météo.


Ce midi, avec d'autres entraîneurs du club, nous avons tenu le bureau et nous avons planifié des déplacements en groupe en car, nous avons décidé de futurs moments sympathiques comme le prochain st pol morlaix/ Taulé morlaix ou bien un marathon au printemps.


Quand je fais un raccourci, j'arrive à la conclusion que certes cela fait plaisir d'avoir des athlètes qui performent, qui quelquefois sont champions dans leur catégorie ou par équipe, mais quand nous mettons notre Ego ailleurs, nous retrouvons toujours de la joie, du bonheur de participer à des projets ensemble que ce soit pour un gars ou une fille qui va vite ou comme pour le ou la débutante qui nous a rejoint dont le seul objectif est de terminer sa première course.


Pour ceux qui ne le savent pas encore, une des qualités requises en course à pied en endurance c'est la patience, nous avons tous des exemples d'enfants qui n'étaient pas doués qui à force d'années d'entraînement avec les copains qui étaient toujours devant sont devenus des très bons coureur(e)s et aussi d'exemples de coureurs de très bon niveau régional qui venaient pour « piquer » les plans d'entraînement d'un club spécialisé marathon et qui repartaient sans avoir progressé ni dans leur pratique ni dans leur compréhension de ce que sont les rapports et la qualités de ceux-ci entre athlète et entraîneur qui sont gagnants. Attention, ne croyez pas qu'en étant plusieurs nous sommes plus forts mais quand on a plusieurs amis au service des autres cela fait beaucoup de valeurs communes et beaucoup de passion et de partage et on nous apprécie.


Avec le groupe d'entraîneurs que je côtoie et cela va au delà de mon club, en nous effaçant tout en suscitant la confiance, nous avons beaucoup de plaisir et très peu de frustrations car il reste moins d'Ego



2 commentaires:

Jérôme a dit…

Encore du grand Charlie, qui mûrit avec l'âge comme un bon Bourgogne. Ce texte me fait penser à une conférence entendue dimanche soir de Robert Redeker, sur la disparition de l'intériorité. Le risque est grand, dans nos sociétés ultra-capitalistes, que le sportif devienne inhumain, un "egobody" (titre de son dernier livre), espèce d'homme nouveau augmentée par les technologies - exemple Pistorius à Daegu). Les expériences vécues en course à pied, au contraire, nous ramènent à notre être et non notre ego tout en insistant, dans le cas d'une relation athlète-entraîneur, sur l'importance des échanges humains.

Pas Presses a dit…

Salut Charlie
Dans la recette, la technique, le plan d'entrainement ... Il y a l'équipe et surtout ce qui sublime tout cela : l'amour que l'on y met. Il y a un chimiste passionne de cuisine que je lis toujours avec passion : Hervé This. Un jour il racontait qu'avec sa maitrise technique et son art il était capable de reproduire dans le moindre détail l'une des recettes de sa grand-mère. Cependant jamais il n'était totalement parvenu au resultat escompte, car un ingrédient faisait souvent défaut : tout l'amour que mettait sa grand-mère dans la préparation de ce plat !

C'est l'amour que ton équipe ajoute a ce plat, ce club, que les membres viennent chercher. Et cela va bien plus loin que les plans que l'on trouve a foison dans la première revue ou sur internet !

http://www.agroparistech.fr/IMG/pdf/Cuis_coll_36_je_vous_invite_encore.pdf