samedi 1 août 2009

Des couples différents … entraîneur-athlète

Un lecteur que j’ai rencontré m’a fait ce commentaire : « ce n’est pas avec ce que tu mets dans ton blog qu’on peut s’entraîner »
C’est donc cela qui m’a suggéré cet article, si on cherche un plan sur mon blog, tant pis, il faut aller ailleurs car ma conception de l’entraînement est, je le répète, à partir d’échanges « bidirectionnels » entre l’athlète et l’entraîneur. Actuellement c’est la période des vacances et les échanges avec mes athlètes sont plus rares, parce qu’il me faut me reposer et que mon activité d’entraîneur me demande énormément d’énergie et mon autre métier m’accaparent beaucoup plus en ce moment. Comme je viens de terminer un semaine très chargée, je rééquilibre en me faisant plaisir à écrire ce papier qui sera autant pour les coureurs que pour mes amis entraîneurs qui se reconnaîtront.

La relation entraîneur-athlète est loin d’être semblable à celle des couples « traditionnels », loin des personnes qui décident de partager un bout de vie ensemble avec ou sans contrat de mariage, avec ou sans pacs, cependant, la solidité du lien peut être comparée à partir de quelques éléments régissant la vie du couple, la constance, l’équilibre, la passion, la confiance, la variété, le plaisir, l’envie.

Avec Christian Delerue qui a été à l’origine de mon engagement en tant qu’entraîneur, je rappelle que c’est lui qui m’a donné les premières bases en m’entraînant à la FC, nous avons plusieurs fois discuté de nos athlètes et c’est le manque de confiance qui revenait quand nous constations une rupture et c’est le plaisir qui nous faisait aimer notre passion. Le plaisir de voir progresser nos athlètes, le plaisir de partager des succès, de boire des coups et manger ensemble , voilà entre autres mes motivations.

La première rupture d’un couple entraîneur-athlète , c’est comme pour le premier chagrin d’amour, comme c’est nouveau, cela peut faire très très mal car on n’y est pas préparé.
Le jeune entraîneur peut vivre assez mal le départ d’un athlète en qui il avait beaucoup investi, du temps, de l’énergie, de la réflexion.
L’entraîneur plus expérimenté, pour se préserver va doser son investissement et même quelquefois ne sentant pas trop le nouvel athlète ne mettra que le strict minimum syndical et avisera au fur et à mesure de la progression de la « collaboration ». Le minimum syndical, c’est déjà, de faire faire un bilan (chrono, test vma, bilans médico-sportifs, cardiologue du sport …), établir des objectifs, planifier pour arriver au top le jour J. C’est totalement centré sur l’athlète, ce qu’il est et ce qu’il peut et veut obtenir, ce qu’il veut devenir.

Quelques constatations qui amènent à ma réflexion :

Grâce et à cause de la presse, de l’Internet, il y a profusion d’informations sur la course à pied, il y a inévitablement des coureurs qui vont glaner énormément de trucs, d’astuces, de conseils et des plans d’entraînements. Grâce aux forums, il y a des échanges incroyables entre des experts, des débutants, des joggers, des compétiteurs, des entraîneurs et des champions.

Qui ne connaît pas quelqu’un qui a réalisé une « performance » en appliquant un plan d’un magazine ou d’un site Internet. Notez les guillemets pour performance.
Du coup, il y aura toujours un autre lecteur ou internaute qui suivra avec confiance ce même plan …
Au bout du compte, quelqu’un qui faisait 5h au marathon et qui suit un plan 4h et qui réalise 4h10 se dira c’est bien, good job ! well done ! yesss !
Ou mieux : à mon premier marathon j’ai fait 3h50 ! à mon deuxième j’ai gagné 20 minutes … Quand je vois que des gars sont heureux de gagner 30 ou 40 secondes !

Avec le recul de quelques années à observer la montée en puissance de quelques forums et des messages des lecteurs dans les magazines, j’ai fini par être pris au piège et j’ai accepté d’entraîner ceux qui au bout de quelques temps se sont aperçus que leurs « performances » n’étaient peut-être pas à la hauteur de leur potentiel. Exemple, j’ai connu des marathoniens et marathoniennes qui visaient moins de 4 heures, après quelques mois d’entraînement structuré et surtout personnalisé ils étaient plutôt à 3h45 et certains à 3h30. Des garçons qui visaient moins de 3h00 car c’est un chrono symbolique, sont maintenant aux alentours de la qualification en sénior (2h45) et même certains visent des niveaux N3 ou R1 par exemple. Pour un jogger, cela ne veut rien dire mais pour un compétiteur, c’est une motivation supplémentaire .

Heureusement, dans mon club, nous avons eu l’arrivée de nouveaux entraîneurs et je suis assez fier de faire partie d’une grande équipe où nous pouvons nous entraider et surtout quand des nouveaux athlètes demandent un entraîneur, la charge est répartie car nous sommes une dizaine à pouvoir faire de l’entraînement personnalisé. J’en profite pour réaffirmer que nous avons des profils très variés, des crossmen, des dix-bornards, des marathoniens, des ultra-trailers de tous niveaux. Ce qui nous réunit c’est de pouvoir partager des moments ensemble sur des courses, les cross l’hiver et souvent la route au printemps, des trails l’été et nous avons le plaisir de manger et boire ensemble dès que l’occasion se présente. Le seul problème qu’on rencontre quelquefois c’est quand le coach charlie arrive dans les derniers sur du long alors il faut que les copains fassent traîner l’apéro pour attendre la tortue charlie (32h pour seulement 145km au raid du morbihan).

Bon revenons sur les relations des couples.


Des couples si différents :
Celui qui n’existera jamais
Celui qui a failli commencer
Celui qui n’a duré que peu de temps
Celui qui a démarré par hasard et qui dure

L’athlète n’a nullement envie de progresser, d’ailleurs il n’aime peut-être pas le terme athlète, il se dit coureur, jogger, ultra-runner peut-être, « amateur », passionné de la course mais pas compétiteur ou alors il a été compétiteur et c’est du domaine du passé. Celui-ci ne déclare pas qu’il cherche la performance, il met en avant le plaisir et il a raison, il faut du plaisir, il s’entraîne comme bon lui semble, la quantité n’est pas un problème, s’il aime beaucoup sortir, il fera des footings et des sorties variées presque tous les jours mais ne s’astreindra pas à une planification stricte. Le coureur seul, en couple ou en groupe s’alignera sur autant de courses qu’il aura trouvées dans les agendas. Certains arrivent à enfiler des marathons comme ils enfilent des perles d’un collier. Certains se ménagent juste quinze jours entre deux courses car les voyages imposent un minimum d’organisation et de visites touristiques.
Ce coureur qui peut susciter l’envie, la mienne parfois, n’aura pas envie de solliciter un entraîneur et c’est ainsi que sa liberté sera sauvegardée. Le couple n’existera pas.

Un coureur ou une coureure, je préfère ce terme à coureuse car cela n’éveille pas la jalousie de mon épouse, est passé par la case : « je lis les magazines de course à pied, je lis les conseil sur les sites, je pose des questions sur les forums et … je vois qu’il y a des surprenantes progressions chez des coureurs entraînés. »
Le coureur a envie de courir mieux, de courir plus vite évidemment car je n’ai pas vu de gens normaux s’entraîner en voulant être plus mauvais bien que j’ai vu des coureurs s’entraîner tellement dur qu’ils se faisaient mal et du coup devenaient plus mauvais.
Le coureur prend contact avec un entraîneur. C’est un bon début et c’est ce que je préconise toujours : « allez dans les clubs à côté de chez vous, demandez à voir les entraîneurs, vérifiez qu’un de ceux-ci peut vous aider, n’oubliez pas que l’athlétisme c’est du saut, du lancer, du sprint, du demi-fond et du fond, échangez avec l’entraîneur pour le fond, voyez si le courant passe et faites quelques séances avant de décider »
Après la prise de contact, si ça ne colle pas, les causes sont multiples.
Côté entraîneur :
entraîneur pour un groupe pas pour du personnalisé, entraîneur spécialisé dans une autre discipline et seulement dans celle-ci, incompatibilité d’humeur, intransigeance.
Côté coureur :
Celui-ci constate que ce n’est pas adapté à son mode de vie, il voit qu’il devrait être régulier, assidu, motivé, participer à un groupe. La régularité c’est déjà tout le long de l’année sortir de façon régulière, se tenir à un nombre de séances pas seulement un ou deux mois avant la compétition mais aussi pendant la période de préparation générale. En effet, si je veux suivre un plan avec 4 sorties par semaine pour le marathon de MachinVille et bien il ne faut quand même pas faire n’importe quoi les autres mois de l’année. Beaucoup croient que les recettes miracles des magazines, il suffit de les appliquer 3 mois avant le marathon.
Un athlète même avec des objectifs modestes doit respecter une planification, un minimum de sérieux tout le long de l’année sportive et pas seulement en période de préparation spécifique.
Le coureur ne veut sans doute pas le terme d’athlète alors bien que le contact a eu lieu,
Le couple a failli commencer mais cela en reste là

Pour l’instant ce n’est pas réjouissant, cela ressemble à des rdv manqués des rencontres ratées, c’est ainsi la vie, il y a des promesses et il y a des déceptions, nous espérons et cela ne se réalise pas toujours.
S’il n’y avait pas la variété, cela serait ennuyeux, d’ailleurs c’est aussi le peu de variété qui fait que des histoires même bien commencées ne durent pas. Un athlète qui fait depuis des années les mêmes compétitions avec les presque mêmes résultats se lasse. Il peut changer d’endroit, il peut changer de distance, il peut aussi quelquefois changer d’entraîneur. Un athlète sénior qui approche de la catégorie vétéran aura une motivation différente de celui qui est encore « jeune ». Le presque vétéran peut se dire que même s’il n’améliore pas ses records personnels il peut dans sa future catégorie obtenir des bons résultats, une qualification, des podiums, un record régional voire national. S’il a confiance en son entraîneur il lui demandera de s’engager ensemble vers ce passage à V1.
Des garçons et des filles dans cette situation se relancent quelquefois juste au passage du changement de catégorie, dans le passé c’était le 1er septembre que cela se concrétisait, il y avait même des effets bizarres car un garçon né en fin d’année n’avait que 38 ans le 1er septembre, 39 ans quelques mois après et cependant 40 ans dans l’année civile qui servait de référence à la catégorie. Donc à 38 ans on pouvait être vétérans 1, à 48 vétéran 2, 58 vétéran 3. Cette année marque une transition, le changement de catégorie aura lieu le 1er janvier, ainsi, un athlète licencié né en 1970 ne sera vétéran 1 que le 1er janvier. Du coup, ne pourront participer au championnat de France vétéran qui aura lieu à Reims en Octobre que les coureurs nés avant le 31 décembre 1969 ayant obtenu la qualification (3h05 en V1M, 3h20 en V2M, 3h45 en V1F par exemple)
J’en profite pour signaler aux vétérans et aux autres qu’on ne peut pas éviter l’inexorable avancée du temps. Quand j’étais vétéran 1, j’avais l’impression que les temps de qualifications V2M était faciles. Or, il m’a fallu attendre pour passer V2, et pendant que j’attendais, mon entraînement n’as pas été suffisant pour maintenir mes chronos, mes performances ont suivi une dégringolade justitiée. Ce qui me paraissait facile il y a peu de temps n’est aujourd’hui même plus envisageable sans plusieurs mois de remise à niveau et plusieurs mois d’entraînement avec ce qu’il faut de VMA et de séances spécifiques.
Des jeunes V1, j’en ai cotoyés, j’en ai entraînés, mais si la motivation n’étaient que de réaliser encore des chronos avec la référence des séniors … cela a amené quelquefois à un mensonge que se fait l’athlète.
Là aussi, j’y trouve un grand enseignement. Il y a des objectifs atteignables qui ne demandent pas trop d’abnégation, il y en a d’autres qui frisent le domaine du rêve, de l’impossible. Or, le rêve est magique, il permet de nous évader, il donne une motivation énorme. Pourquoi s’entraîner pour des objectifs « bof », on se donne des objectifs de rêve, des objectifs « fous » et cela nous donne du cœur pour aller s’entraîner. Cependant, si on a un objectif trop ambitieux, cela aboutit irrémédiablement à un echec le jour de la course. Certains se mentent à eux-mêmes et s’obstinent et gardent le même objectif qui est irréaliste. Si l’épanouissement passe par le chemin et non le but c’est encore acceptable. Il y a même des caractères qui en quelque sorte ne vivent que pour vivre des échecs. La nature humaine est complexe et on retrouve aussi bien des personnes qui se réalisent en devenant des champions que d’autres qui ont le sentiment d’exister seulement quand la douleur de l’échec les transperce.
Pour clore temporairement ce sujet, alors que j’ai en tête de multiples cas de figure intéressants, je ne reviendrai que sur ces cas où des athlètes ont rêvé à une performance le temps d’une préparation, cela ne s’est pas réalisé juste sur ce coup là, soit ils ont mis de côté leur rêve soit ils ont mis leur « passion » en sommeil soit ils se sont dit que l’entraînement n’était pas bon, ils ont coupé les ponts avec l’entraîneur.
Le couple n’a duré que peu de temps

Il y a bien une différence entre ma vie privée et mon statut d’entraîneur, je suis monogame à la ville et « polygame » dans mon rôle d’entraîneur, en effet, il n’a jamais été question que j’entraîne un seul athlète. Aujourd’hui, effectivement j’ai du mal à m’en sortir avec plusieurs dizaines d’athlètes mais c’est tellement passionnant de découvrir de nouveaux profils, de nouveaux caractères. Quand on a passé un paquet d’années à comprendre un athlète du point de vue capacités physiologiques, on continue à passer des années à essayer de cerner les capacités mentales et la combinaison mental-physique. Des coureurs et coureures de mon club qui sont entraînés par mes « confrères » m’apportent aussi de beaux exemples concrets pour que je continue de progresser. En effet, les athlètes progressent, les entraîneurs aussi et comme nous mettons au pot commun, le club progresse et nous communiquons au delà des limites du club et nous espérons apporter notre expérience aux autres.
Rendez vous compte, nous avons en ce moment des nouveaux licenciés, ils viennent partager avec les anciens. Des coureurs qui nous cotoient croyaient que nous étions un club fermé. Ils se disaient qu’avec des gars qui sont régulièrement champions de France par équipe au marathon qui régulièrement sont dans les 2h30-2h35, ce serait difficile de cohabiter. Ce que ne savent pas ces coureurs, c’est que par exemple moi-même j’ai commencé par un simple test de paliers de FC avec l’inventeur du test, Christian Delerue, il m’a concocté un plan personnalisé. A l’époque je faisais 3h38 au marathon, 1h41 au semi et 43’ au 10km. J’ai pris une licence parce que je trouvais normal d’être dans le club de mon entraîneur. Quelques mois après, je gagnais des minutes sur toutes les distances (3h19 au marathon, 1h35 au semi 41’ au 10km). Vous connaissez la suite, j’ai suivi ses pas, je suis devenu entraîneur. Des garçons et des filles m’ont contacté via le forum courir en bretagne, via courir le monde, je ne savais pas dire non, quelque part heureusement car certains des gars que j’ai entraînés par hasard sont eux-mêmes devenus entraîneurs, je rappelle quand même qu’ils sont diplômés FFA premier degré, Michel Lemercier, Bruno Rageau, Thierry Collen. Alain Colin 2ème degré qui était entraîné par Christian est lui aussi venu grossir l’équipe où il y avait déjà Jacqueline et Françoise.
Nous avons des « curieux » qui maintenant frappent à la porte, nous ne leur promettons que le suivi personnalisé sans garantie de résultat. Nous assurons que l’équipe d’entraîneurs est au service des athlètes que c’est beaucoup de temps passé mais que nous aimons cela.
Pour terminer, j’en profite pour vous donner un exemple, Karim Attiki vient de commencer sa préparation pour Berlin 2009. Nous nous sommes rencontrés la première fois parce que je cherchais un stade pour m’entraîner du côté de Clichy, par le biais du forum courir le monde il m’avait indiqué le stade paul Faber. Quand il m’a parlé de son entraînement je suis resté poli, quand j’ai compris qu’il bricolait alors là je me suis lâché. Résultat, c’est un peu par hasard que nous avons essayé de voir ce que ça pourrait donner un suivi d’entraînement à distance, lui à Paris, moi à Rennes, Internet, le mail et un polar qui enregistre … et voilà quelques années plus tard nous voilà tous les deux à nous rencontrer lors de mes passages à Paris, lors de ses passages en Bretagne pour les cross. Pour Berlin ce sera un chrono de rêve que nous visons et nous savons qu’il est réaliste.

Ce couple a démarré par hasard et il dure.

Eh, les autres ne soyez pas jaloux, par exemple, tous les gars qui vont aller à Reims, je ne vous cite pas car nous y allons dans un car complet, promis je vous concocterai une préparation à chacun, personnalisée … pour un chrono de rêve. Benoît, pour les templiers, désolé, le chrono ne veut rien dire et de toutes façons toi et moi nous regarderons et supporterons les marathoniens et nous ferons du jus pour nos trails respectifs de fin octobre.